1974 by David Peace & Daniel Lemoine

1974 by David Peace & Daniel Lemoine

Auteur:David Peace & Daniel Lemoine [peace, david & Lemoine, Daniel]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782743612474
Publié: 2013-06-27T13:40:19+00:00


Des fleurs fraîches à la main, je sonnai à la porte de la maison de retraite Hatley.

Je n’avais jamais apporté de fleurs à St. James.

Pas apporté la plus petite plante à mon père.

Le bâtiment, qui évoquait une demeure aristocratique ou un hôtel, jetait une ombre froide et noire sur le parc mal entretenu. Deux vieilles femmes me dévisageaient, derrière la vitre d’une serre. L’une d’entre elles massait son sein gauche, en serrait la pointe entre ses doigts.

Je me demandai quand ma mère avait cessé d’apporter des fleurs à mon père.

Une femme en blouse blanche, d’âge mûr et le visage rouge, ouvrit la porte.

— Puis-je vous aider ?

— Je l’espère. Je viens voir ma tante Marjorie. Mme Marjorie Dawson.

— Vraiment ? Je vois. Entrez, je vous prie, dit la femme, qui maintint la porte ouverte.

Je fus incapable de me souvenir quand j’avais rendu visite à mon père pour la dernière fois, si c’était le lundi ou le mardi.

— Comment va-t-elle ?

— Il a fallu lui donner quelque chose pour les nerfs. Seulement pour la calmer.

Elle me précéda dans une entrée imposante dominée par un escalier plus imposant encore.

Je dis :

— Cela me fait de la peine.

— Eh bien, il paraît qu’elle était plus ou moins dans tous ses états, quand on l’a ramenée.

Ramenée, pensai-je, me mordant la langue.

— Quand avez-vous vu votre tante pour la dernière fois, monsieur… ?

— Dunston, Eric Dunston, dis-je, tendant la main et souriant.

— Mme White, dit Mme White, qui me serra la main. Les Hatley sont absents, cette semaine.

— Ravi de vous rencontrer, dis-je, sincèrement reconnaissant de manquer les Hatley.

— Elle est à l’étage. Chambre 102. Une chambre particulière, naturellement.

Mon père avait fini dans une chambre particulière, sans fleurs, tas d’os dans un sac de peau brune.

Mme White, dans sa blouse moulante, me précéda dans l’escalier.

Le chauffage était au maximum et on entendait le bourdonnement d’un poste de télévision ou de radio. Une odeur de cuisine industrielle nous suivit dans l’escalier, comme elle restait collée à ma peau quand je quittais l’hôpital St. James de Leeds.

En haut de l’escalier, je la suivis, dans un couloir-sauna bordé de radiateurs en fonte énormes, jusqu’à la chambre 102.

Le cœur battant fort et vite, je dis :

— Ça va. Je vous ai suffisamment dérangée, madame White.

— Oh, ne soyez pas stupide, dit Mme White, souriante, frappant à la porte et l’ouvrant. Vous ne me dérangez pas.

C’était une belle chambre, baignée par le soleil d’hiver et pleine de fleurs, où Radio 2 diffusait une musique légère.

Marjorie Dawson était allongée, les yeux fermés, sur deux oreillers, le col de sa robe de chambre dépassant sous le drap et la couverture. Une mince pellicule de sueur couvrait son visage et aplatissait sa permanente, si bien qu’elle faisait en réalité plus jeune que son âge probable.

Elle ressemblait à ma mère.

Je fixai les flacons de Lucozade et de Robinson’s Barley Water, aperçus le visage maigre de mon père dans le miroir.

Mme White se dirigea vers les oreillers, posa légèrement la main sur le bras de Mme Dawson.



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